TRIBUNE : Face à l’endométriose, il est temps d’agir collectivement !
Cette tribune est un appel aux entreprises, privées et publiques, petites ou grandes, à initier un cadre de travail serein et égalitaire pour tous en prenant en compte les spécificités de la santé des femmes.
7h47 – Vite ! Serre les dents ! Clara doit présenter à 9h un dossier important à la nouvelle direction. Ses douleurs reprennent dans le ventre, comme des contractions d’accouchement. Elle avale un cachet, fera-t-il effet cette fois-ci ? Elle en doute. Il va falloir tenir, ne pas s’évanouir. La journée sera plus que difficile, elle est déjà épuisée, elle va encore prendre sur elle.
En 2023, il est bon de penser que les inégalités entre les femmes et les hommes reculent, il est rassurant d’observer dans notre pays que chacun peut choisir librement ses études et sa vie professionnelle, sans distinction de sexe. Pourtant les ressources humaines s’étonnent parfois que de jeunes collaboratrices s’absentent, se démotivent, ou résistent à une promotion, voire démissionnent. 25% des femmes touchées par l’endométriose renoncent à leur poste ou à leur carrière[1].
Le poids du tabou
Dans le silence, des millions de jeunes femmes comme Clara endurent au quotidien une inégalité majeure à cause de l’endométriose, une pathologie féminine fréquente qui touche au moins 10% des femmes, mais toujours taboue malgré sa médiatisation récente. Elle cause des douleurs aiguës et un épuisement chronique pouvant conduire à la dépression. Les symptômes font rage chaque mois à l’âge de construire sa vie et sa carrière, de 12 à 50 ans. La maladie est incurable et les traitements provoquent souvent des effets secondaires.
- 65% d’entre elles déclarent que la maladie a un impact important sur leur bien-être au travail[2] mais n’en parlent ni à leur manager, ni aux représentants des Ressources Humaines, pas même au médecin du travail. La concentration, le niveau de stress, la productivité, le temps de travail s’en trouvent impactés. Sous le poids du tabou, elles sont résignées à se taire dans leur milieu professionnel, de crainte d’être freinées dans leur parcours ou, plus grave encore, de perdre leur emploi. Elles s’obligent à travailler malgré la douleur et la fatigue, à faire preuve d’un présentéisme qui les culpabilise parce qu’elles ne se sentent pas en possession de tous leurs moyens. Elles surperforment entre deux crises.
- 82% d’entre elles ont des réticences à demander des arrêts maladie[2] pour ne pas subir la double-peine : souffrir et être pénalisée financièrement à cause de la perte de salaire associée aux jours de carence.
- 49 % des femmes ont fait face à des obstacles dans leur carrière[1]. Ces femmes sont les étudiantes et les travailleuses qui participent à notre économie, qui portent notre système éducatif et de santé et qui contribuent à la croissance de nos entreprises, de nos industries et de nos commerces.
Alors, que faire ? Il est temps d’agir collectivement. L’État doit protéger, les entreprises doivent accompagner.
- Faire avancer la recherche pour soulager la douleur, diagnostiquer l’endométriose, la connaître mieux et la guérir enfin l
- Ensuite, protéger les femmes des conséquences financières. Il est urgent de supprimer les jours de carence en cas d’arrêt de travail prescrit pour endométriose.
- Améliorer les conditions de travail des personnes concernées par l’endométriose, malades et aidants. Le programme ENDOpro développé par la Fondation pour la Recherche sur l’Endométriose accompagne les entreprises pour comprendre l’impact de l’endométriose au travail, sensibiliser les salariés, améliorer la qualité de vie au travail des patientes et des aidants et distinguer par un label incitatif les entreprises ENDOresponsables.
“En matière de santé, différencier n’est pas discriminer”[3]
L’endométriose relève de la santé publique et la réponse associée doit s’inscrire pleinement dans l’évolution de la société ; c’est un problème collectif que nous devons prendre en compte sans plus attendre dans le cadre du travail.
19h24 – Enfin de retour à la maison, elle s’effondre. Clara est envahie de douleurs. Elle a tenu. Elle n’a rien dit. Personne n’a rien vu, espère-t-elle. Combien de temps encore ?
Votre voix brisera le silence autour de l’endométriose au travail et encouragera les entreprises à agir. En signant notre tribune, vous rejoignez un collectif de signataires déterminé à initier le changement.
Les premiers signataires dans Le Monde :
Valérie Desplanches, présidente de la Fondation pour la recherche sur l’endométriose sous l’égide de la Fondation pour la recherche médicale (FRM)
Avec Catherine Azoulay, gynécologue endocrinologue, membre du collectif Femmes de santé ; Joëlle Belaisch Allart, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ; Sofiane Bendifallah, gynécologue chirurgien, hôpital américain, Neuilly-sur-Seine ; Camille, artiste ; Jeanne Cherhal, artiste ; Chris (Christine and the Queens), artiste ; Mathieu Charleux, président du réseau d’experts santé pour dispositifs médicaux MD101 ; Laurence Comte-Arassus, directrice générale de General Electric HealthCare France ; Philippe Descamps, chef du service gynécologique du CHU d’Angers ; Camille Derveaux-Ringot, directrice générale de Gyneika ; Audrey Derveloy, présidente de Sanofi France ; Marie Eloy, fondatrice de Bouge ta boîte ; Afchine Fazel, gynécologue obstétricien, hôpital Lariboisière, Paris ; Matthieu Fouquet, Partner RH et secrétaire général de Onepoint ; Emeline Foster, administratrice de Règles élémentaires ; Sabrina Ferfouri, fondatrice de Infinity ; Marion Goilav, directrice générale de Elia ; François Golfier, chef du service de chirurgie gynécologique au CHU Lyon-Sud et président du réseau EndAura ; Marie-Laure Guidi, associée chez Ioda Consulting ; Nicolas Héron, directeur des affaires sociales, de la communication interne et du care de Metro France ; Christine Horvais, directrice générale de Axeme RH ; Imany, artiste ; Danièle Kapel-Marcovici, PDG du groupe Raja ; Carine Kraus, directrice exécutive engagement Groupe Carrefour ; Marina Kvaskoff, chargée de recherche à l’Inserm, Prix Inserm science et société Opecst 2023 ; Guillaume Laher, directeur de comptes stratégiques de GE HealthCare France ; Jean-Claude Le Grand, directeur général des relations humaines du groupe L’Oréal ; Séverine Lemoine, directrice générale de Seagen France ; Louisadonna, artiste ; Olivier Marpeau, chirurgien gynécologue ; Loubna Meliane, leader égalité et pluralité de Onepoint ; Massita Montbrun, Label Manager ; Michelle Nisolle, gynécologue chirurgienne, CHU de Liège ; Sophie Pouget, déléguée générale de la Fondation RAJA ; Cécile Real, directrice générale de Endodiag ; Haude Rivoal, sociologue, associée au CNAM-CEET ; Laurence Rossignol, sénatrice, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et ancienne ministre des droits des femmes ; Edouard Roux, directeur général d’Exeltis Santé France ; Eva Sadoun, présidente de Lita.co ; Muriel Salle, historienne et maîtresse de conférences, spécialiste en histoire de la santé des femmes, université Claude-Bernard Lyon-I, laboratoire Larhra ; Hélène Texier, présidente chez L’Accompagnatrice ; The Good Lobby France, collectif ; Anne-Laure Thomas Briand, directrice diversités, équité et inclusion France du groupe L’Oréal ; Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre ; Charlotte Vandeputte, associée Talents, membre du Comex Deloitte ; Stéphane Viry, député des Vosges ; Martin Winckler, écrivain ; Catherine Zavodska, responsable du mécénat et des partenariats de la Fondation pour la recherche sur l’endométriose sous l’égide de la Fondation pour la recherche médicale (FRM)
Pour nous contacter : contact@fondation-endometriose.org
[2] https://www.endofrance.org/wp-content/uploads/2020/06/resultat-enquete.pdf
[3]Santé des femmes au travail : des maux invisibles https://www.senat.fr/notice-rapport/2022/r22-780-1-notice.html