Endométriose et kinésithérapie

(Mme Marta Belda Anguita – Masseur-Kinésithérapeute – Albi)

La pratique de la kinésithérapie (parfois appelée physiothérapie) vise à développer, maintenir et rétablir la capacité fonctionnelle et la mobilité des individus tout au long de leur vie, en utilisant des moyens physiques (exercices, mobilisations, massages, électrothérapie, etc.) en complément ou en alternative aux prises en charges médicamenteuses. La pratique de la masso-kinésithérapie comporte la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic kinésithérapique et le traitement, d’une part des troubles du mouvement ou de la motricité de la personne, et d’autre part des déficiences ou des altérations des capacités fonctionnelles. Pour résumer, la kinésithérapie est une pratique clinique centrée sur le mouvement et la fonction, essentielle à la santé, au bien-être et à la qualité de vie.

La kinésithérapie peut ainsi aider à réduire de nombreux et fréquents dysfonctionnements présents chez les femmes atteintes d’endométriose ou d’adénomyose, notamment les douleurs pelviennes chroniques, les dysménorrhées (douleur précèdent ou accompagnant les règles), les dyspareunies (douleurs pendant les rapports), les dysuries (mictions douloureuses ou gênantes), mais aussi l’infertilité (qui peut être induite par les dyspareunies), les troubles digestifs, vésico-sphinctériens ou anorectaux, ainsi que certains troubles respiratoires. Par ailleurs, la kinésithérapie peut être pratiquée avant et/ou après une éventuelle chirurgie.

Le bilan diagnostic kinésithérapique va partir en premier lieu de l’évaluation de la douleur (apparition, localisation, intensité rythme et fréquence). Puis il va aussi explorer les conséquences, sur la qualité de vie (scolarité, travail, activités, sport…) et sur la posture (raideurs, proprioception, hygiène posturale). Enfin la respiration, peut aussi être évaluée en cas de complication diaphragmatique, thoracique ou abdominale.

L’efficacité d’un programme d’exercices thérapeutiques de 9 semaines (stabilisation lombo-pelvienne, aérobic, stretching et exercices physiques), encadré par un kinésithérapeute, a été comparé dans un essai clinique par rapport à un groupe témoin ne pratiquant pas d’exercices chez les femmes atteintes d’endométriose et ne répondant pas au traitement conventionnel. La qualité de vie est significativement plus améliorée dans le groupe traité (37%) que dans le groupe témoin (13%) et l’intensité de la douleur est également plus réduite (-42%) que dans le groupe témoin (-2%). Une méta-analyse regroupant les résultats de 6 études démontre que différentes techniques de kinésithérapie sur la douleur réduisent significativement l’intensité des douleurs d’endométriose.

L’intérêt de la kinésithérapie a été confirmé par des méta-analyses récentes (regroupement de plusieurs études), qui montrent que par rapport à l’absence de kinésithérapie ou de thérapies non pharmacologiques, ces différentes modalités réduisaient significativement les douleurs d’endométriose, et en particulier pour l’électrothérapie et les techniques manuelles.

Comme l’expression de l’endométriose est différente d’une patiente à l’autre, le traitement doit être adapté à chaque situation, avec selon le choix et les recommandations du kinésithérapeute, une ou plusieurs des techniques suivantes :

  • Les techniques actives : exercices spécifiques de musculation, activité physique adaptée (APA), étirements (stretchings), automassage, respiration, et posture.
  • Les techniques passives : usage du froid et du chaud (thermothérapie), thérapie manuelle, électrostimulation (TENS), técarthérapie, k-tape et vibrations.

« Après des années de souffrance sans vraiment être entendue, j’ai trouvé
auprès de ma kiné une écoute précieuse et un accompagnement efficace. Les séances de
kinésithérapie m’apportent à la fois du soulagement et une meilleure connaissance de mon corps.
Grâce à son approche, j’ai pu apprendre à gérer mes symptômes et à les atténuer dans la durée.
Grâce à elle, j’ai retrouvé de l’espoir et une vraie qualité de vie ! »

Témoignage de Lucie

1) Les exercices spécifiques de musculation

Les douleurs pelviennes chroniques de l’endométriose entraînent souvent des compensations posturales (dos cambré, bassin déséquilibré…). Une musculation douce et ciblée va contribuer au soutien postural en permettant de renforcer les muscles du plancher pelvien, du dos, et des abdominaux. Le bassin est ainsi stabilisé, et les tensions mécaniques sont réduites.

Il faut cependant éviter les exercices trop intenses ou compressifs pendant les périodes de douleur, et privilégier les mouvements lents, contrôlés et respirés (par exemple musculation avec élastiques).

Il faut un bon tonus musculaire, ni trop tendu (hypertonie) ni trop faible (hypotonie), la clé est dans l’équilibre. De plus, le mode « contraction-relaxation » peut aider pour obtenir une détente quand on a du mal à relâcher un muscle. Les bienfaits de la pratique d’exercices musculaires individualisés, progressifs et accompagnés par un kinésithérapeute sont reconnus par les patientes elles-mêmes.

2) L’activité Physique Adaptée (APA)

Une étude épidémiologique suggère que les femmes avec endométriose sont moins actives que celles exemptes de la maladie. La douleur pelvienne chronique a des conséquences sur la capacité au travail, et la condition physique.

L’activité physique régulière aurait un effet antalgique et anti-inflammatoire en stimulant la libération d’endorphines, de cytokines anti-inflammatoires naturelles, ce qui pourrait conduire à une diminution de la perception de la douleur. De plus, l’activité physique permet de réguler la production d’œstrogènes, d’améliorer la circulation sanguine et de limiter la formation d’adhérences (fibrose entre les organes). Enfin la pratique régulière accroit la confiance corporelle, et favorise un meilleur sommeil. Dans ce contexte, l’APA se définit comme une activité physique ou sportive adaptée aux capacités de personnes à besoins spécifiques. Il n’y a pas de consensus sur les modalités de l’APA mais la fréquence moyenne de 3 séances par semaines de 30 à 90 minutes semble la plus pratiquée. Il convient dans tous les cas de prendre en compte les capacités physiques de chaque patiente, et d’éviter les activités physiques de haute intensité ou les sports de contact.

3) Les étirements ou le stretching

Les étirements améliorent la souplesse musculaire et l’amplitude articulaire, notamment pour les muscles adducteurs, psoas, ischio-jambiers et piriforme, ainsi que pour le fascia thoraco-lombaire, le diaphragme thoracique ou le périnée.

Une étude a par exemple montré l’effet des exercices du Hatha Yoga (90 minutes deux fois par semaine) sur la qualité de vie et les douleurs de femme présentant une endométriose. Après 8 semaines de pratique, et par rapport aux femmes ne le pratiquant pas, le Hatha Yoga, a significativement réduit l’intensité de la douleur, et a amélioré la qualité de vie.

4) Les automassages

Pour les patientes, le fait de se masser elles-mêmes les aide à mieux se connaître pour soulager les tensions musculaires de la zone pelvienne, abdominale et lombaire et surtout pouvoir anticiper les tensions de la vie quotidienne. L’automassage lent et sans forte pression permet de relâcher les muscles du bassin, du ventre et du bas du dos, réduisant la sensation de tiraillement et de lourdeur, tout en stimulant la microcirculation dans les tissus pour une meilleure oxygénation et pour réduire la sensation de congestion pelvienne. L’automassage aide par ailleurs à reprendre contact avec le bassin, à mieux comprendre les sensations et à repérer les zones de tension ou de soulagement.

Une étude chez 574 femmes souffrant d’endométriose, a montré que 62,5 % d’entre elles ont eu recours à des soins auto-pratiqués à domicile dont les mouvements et massages, en particulier les femmes les plus impactées par leurs symptômes.

5) La respiration

Les possibles lésions thoraciques ou diaphragmatiques de l’endométriose peuvent impacter la bonne respiration car la douleur influence la respiration en augmentant son débit, sa fréquence et son volume. La kinésithérapie intervient sur l’entretien, la restauration ou l’optimisation de la fonction ventilatoire.

Une respiration centrée sur l’expiration (temps d’inspiration 4 secondes pour un temps d’expiration 8 secondes.) va activer le système nerveux parasympathique qui favorise la détente du corps et ainsi une augmentation de la tolérance à la douleur. Les données cliniques disponibles soulignent l’intérêt et les bienfaits physiques et psychiques d’une respiration lente et rythmée dans le cadre des douleurs chroniques.

« J’ai été opérée d’une hystérectomie en mai 2021, je pensais que cette
opération soulagerait mes douleurs mais en réalité elles ont persisté avec une grande intensité.
Depuis 3 ans je suis prise en charge par des séances de kinésithérapie. Ces séances m’ont permise
une meilleure gestion de la douleur, une meilleure respiration, une meilleure détente et surtout une
meilleure perception de mon corps. Grâce aux séances de kiné je me sens aidée, soutenue et
considérée par rapport à cette maladie. »

Témoignage de Stéphanie

6) La posture

Les douleurs pelviennes et périnéales chroniques génèrent significativement plus de problèmes de posture que les patients ne souffrant pas de douleurs. Une posture antalgique prolongée, adoptée par une personne pour éviter la douleur (exemple : une posture fœtale) peut créer des tensions dans tout le corps et aussi au niveau de la cage thoracique. Il peut y avoir une réduction de la dynamique respiratoire (hypopnée) qui va favoriser la sensation de la douleur. Par des exercices de contrôle moteurs et posturaux, la kinésithérapie permet de travailler la capacité du corps à demeurer dans un bon alignement et dans la précision des mouvements.

Dans une étude sur l’effet clinique d’un programme de 8 semaines d’exercices recommandés par l’American College of Obstetrics and Gynecology, chez des patientes souffrant d’endométriose, il a été montré une réduction de l’angle de cyphose thoracique, allant de pair avec une diminution de la douleur.

Le travail sur la posture devra par ailleurs intégrer des situations particulières telles que les efforts de toux, les positions pour aller à la selle ou uriner, la pratique du sport, et les efforts de soulèvement de charges.

7) La thermothérapie

Cette technique consiste à appliquer des variations de température (usage du froid pour induire une vasoconstriction et/ou usage du chaud pour une vasodilatation), afin de faire réagir le corps pour soulager les tensions et les douleurs. Outre la détente musculaire, la vasodilatation locale (augmentation du flux sanguin), aide à relâcher les muscles et à réduire la transmission douloureuse pour soulager les crampes menstruelles et les douleurs lombaires ou abdominales associées à l’endométriose. Elle peut avoir recours à des bouillottes, des patchs chauffants, des bains chauds ou bien de la thermothérapie médicale (appareils de chaleur infrarouge ou de radiofréquence). Une revue de 15 études établit que la radiofréquence présente un intérêt pour améliorer l’incontinence urinaire, la force des muscles du périnée, la fonction sexuelle et différentes douleurs pelviennes.

8) La thérapie manuelle orthopédique (TMO)

Il s’agit de techniques et d’exercices thérapeutique, déjà utilisés dans l’antiquité, utilisant les mains avec pour finalité de soigner le patient présentant un trouble neuro-musculo-squelettique. La TMO permet de travailler sur les muscles, les fascias (enveloppe entourant le muscle et à tous les autres tissus ou organes du corps), les articulations, et les points gâchettes (trigger points) qui sont des points sensibles et douloureux au toucher sur lesquels une pression continue pendant quelques instants permet de les détendre et de les relaxer.

Dans un essai clinique comparatif contre placebo (simple contact sans pression) la TMO a permis de diminuer de 30% en un mois et de 70% en 6 mois les scores de douleurs d’endométriose mesurés par échelle visuelle analogique, et se différenciant significativement du placebo (réduction de seulement 1% à 1 mois et 11% à 6 mois). Cette efficacité est confirmée par une récente méta-analyse de 5 études, où les techniques locales ou manuelles semblent encore plus efficaces que les techniques globales pour réduire les douleurs d’endométriose.

9) L’électrothérapie (TENS)

La neurostimulation transcutanée ou TENS (Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation) est une technique non médicamenteuse et non invasive pour soulager la douleur. Il s’agit d’un dispositif médical qui génère des impulsions électriques de faible intensité, de hautes ou basses fréquences, au moyen d’électrodes placées sur la peau au niveau de la zone douloureuse.

Une méta-analyse récente, rassemblant les résultats de 20 études, a démontré, en comparaison à l’absence de traitement, l’efficacité du TENS dans la réduction des douleurs des règles. Une étude comparative a notamment pu démontrer une réduction significative des douleurs de dysménorrhées (-53%), par rapport à un dispositif médical placebo (-5%).

Une étude comparative menée sur 154 patientes présentant des douleurs associées à l’endométriose montre qu’après 10 semaines d’utilisation, le TENS permet une réduction significative par rapport à l’absence de traitement, de la sévérité des douleurs, des symptômes d’endométriose, ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie. Une autre étude plus récente chez 53 patientes atteintes d’endométriose et recevant un traitement hormonal, montre que l’adjonction de la neurostimulation a réduit la douleur pelvienne de 36%, et les douleurs de dyspareunies de 32%. Toutes les études soulignent par ailleurs la très bonne tolérance de la neurostimulation transcutanée et le TENS permet notamment une épargne des traitements médicamenteux antalgiques.

10) La TECAR thérapie (Transfert d’Energie Capacitive et Résistive)

Il s’agit d’une technique complémentaire et non invasive qui utilise des ondes électromagnétiques (ou radiofréquence) pour générer de la chaleur dans les tissus. Dans le contexte de l’endométriose, elle favorise la vascularisation, la relaxation musculaire et la diminution de la douleur et de l’inflammation. La TECAR thérapie (ou diathermie capacitive et résistive) s’intègre bien à la thérapie manuelle et aux exercices fonctionnels, ce qui permet aux praticiens d’adopter une approche thérapeutique holistique.

Un essai clinique comparatif a été mené chez 45 femmes présentant des dysménorrhées primaires. Les participantes ont été traitées soit par radiofréquence transabdominale, soit radiofréquence intracavitaire ou bien non traitées (groupe témoin). Les deux types de radiofréquence ont réduit de manière significative l’intensité de la douleur par rapport au groupe témoin (p < 0,001), sans se différencier entre eux.

11) Le K-taping et les vibrations

Le K-taping est une technique qui utilise des bandes élastiques adhésives (Kinesiology tapes) pour soulager la douleur, améliorer la circulation sans limiter les mouvements. La bande adhésive permet de soulever la peau, d’alléger la pression mécanique sur la peau et de décomprimer les tissus et les nocicepteurs.

Les vibrations mécaniques avec des dispositifs de type coussin vibrants ou vibromasseurs thérapeutiques dispensées localement sur le bassin ou le bas-ventre favorisent la circulation sanguine, le relâchement musculaire, améliorent la proprioception et modulent la douleur. Elles sont déjà utilisées avec succès dans d’autres pathologies. Ces techniques pourraient aider à soulager les douleurs de l’endométriose, notamment les douleurs neuropathiques, mais les preuves d’efficacité ne sont pas encore suffisantes.

« Je m’appelle Sanah, j’ai 27 ans et je vis avec l’endométriose depuis
plusieurs années. Cette maladie a fortement impacté mon quotidien, en particulier à travers des
douleurs persistantes et difficiles à gérer. Depuis peu, j’ai commencé la rééducation périnéale avec
ma kinésithérapeute, et cela m’apporte un réel soulagement. Grâce à son écoute, son soutien et son
travail, j’ai constaté une amélioration de mes douleurs et une meilleure qualité de vie. Ce suivi
m’aide à retrouver de l’énergie et de l’espoir au quotidien. Je souhaite remercier ma kiné pour son
aide et j’espère que mon témoignage pourra encourager d’autres femmes à trouver des solutions
adaptées pour mieux vivre avec l’endométriose. »

Témoignage de Sanah

En conclusion

Toutes ces techniques ne remplacent pas un traitement hormonal, ou éventuellement chirurgical, mais elles sont complémentaires. La kinésithérapie aide la patiente atteinte d’endométriose à adapter son traitement à sa situation personnelle, et à améliorer sa qualité de vie, notamment :

  • En diminuant l’intensité des douleurs grâce à la libération des adhérences, l’augmentation de la vascularisation, la diminution des tensions musculaires et l’augmentation de la mobilité articulaire.
  • En aidant à gérer le stress et la douleur grâce à des techniques de respiration.
  • En contribuant à mieux comprendre la maladie, ce qui va permettre à la patiente de devenir actrice de son traitement, avec les techniques actives ou passives comme la thermothérapie ou l’utilisation du TENS à domicile.
  • En procurant une bonne hygiène posturale pour prévenir des tensions de la vie quotidienne.
  • En s’intégrant dans une prise en charge pluridisciplinaire et complémentaire des symptômes de l’endométriose avec l’utilisation des ressources thérapeutiques non médicamenteuses.
  • En contribuant à l’éducation à la santé qui est cruciale pour aider les patientes à mieux gérer leur maladie chronique (endométriose et / ou adénomyose), à bien connaître le fonctionnement et l’anatomie du bassin, et à bien se connaître pour anticiper et gérer les possibles douleurs.

Le panel de techniques à disposition permet de proposer à chaque patiente une kinésithérapie adaptée à sa situation personnelle, clinique et sociale. Les choix et les adresses des soins de kinésithérapie peuvent être éclairés en contactant une des filières de soins dédiés à l’endométriose. Ces filières régionales de soins regroupent des professionnels de santé, spécifiquement formés à la maladie et à sa prise en charge pluridisciplinaire, dont fait partie la kinésithérapie.

« Le meilleur traitement c’est le mouvement, un peu tous les jours, et dans la
conscience de son corps. »

Témoignage de Marta

*Références bibliographiques